5.3.13

Du sacré ?


De retour d'Istanbul où j'ai eu l'occasion de visiter des sites que l'on considère comme étant "sacrés" - l'Hagia Sofia, la Mosquée bleue - je m'interroge sur la signification du mot "sacré" ainsi que l'admiration que l'on porte à ces monuments certes impressionants, mais qui m'ont pourtant laissée de marbre... Oui, l'architecture est belle, de même que les nombreuses mosaïques riches en raffinements de tout ordre; ces sites qui ont traversé des siècles d'histoire imposent donc le respect. Pourquoi alors ne m'ont-ils ni touchée ni inspirée ?

La Mosquée Bleue

C'est bruyant, c'est grand, c'est vide...Pas le vide rempli de la vacuité, non, le vide qui ne résonne ni ne remplit l'espace. Je ressens ce manque de plénitude avec tristesse et frustration, et considère que la façon dont les gens se comportent n'est pas synonyme de respect, pour un lieu que je pensais justement être "sacré". Mais en quoi finalement le serait-il ? Les touristes se bousculent pour rentrer et prendre une myriade de photos, du lieu et d'eux-mêmes, probablement pour montrer "qu'ils y étaient" et repartent aussi tôt. Bientôt il sera l'heure de la prière, dont on entendra les vocalises quelque peu criardes du Muezzin à travers les hauts-parleurs situés dans toute la ville.

Hagia Sofia

C'est (heureusement ?) devenu un Musée. L'entrée, nous donne accès à cet édifice qui a traversé les âges et les courants religieux (crée au 4e siècle, elle fut d'abord une église chrétienne au 6e siècle sous Constantin, devenue Mosquée sous Mehmed II au 15e siècle). Mais là aussi, je suis désemparée, déçue certainement par les trop grandes attentes que j'avais suite à tout ce que j'avais lu ou entendu à son sujet. Oui, c'est beau...so what ? Malgré la richesse historique du lieu, cet espace ne parvient tout simplement pas à m'émouvoir. Le comble c'est que le terme "Hagia Sofia" signifie "Sainte Sagesse" ou "Sagesse Divine"...


Retrouver le sacré en soi

Peut-être est-ce le poids des religions fondamentalistes que j'ai simplement ressenti aussi fortement. Peut-être est-ce l'inconscience des gens qui ne soucient guère de tous ces aspects. Peut-être que ce n'était tout simplement pas le meilleur moment de la journée, qui sait.

Quoi qu'il en soit, cette expérience m'a permis une fois encore de réaliser que le sacré ne se trouve pas forcément là où il est extérieurement (et mentalement) désigné. Selon moi, un lieu est, ou devient sacré, s'il a été nourri de Conscience divine ou d'amour. Et nul besoin qu'il soit systématiquement matérialisé sous une forme concrète : cet espace sacré existe en chacun de nous, éternellement accessible, où que l'on soit et en tout temps. Alors puissent le Temple du Coeur ou le Monastère Intérieur grandir et perdurer dans le coeur de chaque être.

Je serais heureuse de connaître votre avis sur cette question, vos commentaires sont comme toujours les bienvenus.

1 commentaire:

  1. ...oh oui, bien sûr, chère toi, ce sont aussi des réflexions similaires que j'ai écrites ici et là.
    La mosquée bleue m'a aussi laissée de marbre, it is just plain big !
    Quant à Ste Sophie... tes propos rejoignent largement les miens !

    Byzance, ce fut Rome, son faste, son éclat, son pouvoir. Mais une Rome chrétienne, définissant un art à la fois impérial et chrétien, religieux.
    Cette seule juxtaposition prêterait à rire, un message si révolutionnaire ne peut nullement se laisser enfermer, si elle n'avait pas initié un millénaire de pouvoir, un règne de terreur sacrée dont nous avons bien du mal à nous dépêtrer qui s'appelle :

    - la crainte de l'autorité et la soumission aux puissances temporelles
    - la peur de l'au-delà et, pire encore,
    -la désacralisation du corps, de cette vie, de la Vie...
    - une méprise sur le “royaume de Dieu” promis et conditionnel, jamais “hic et nunc”,

    L'empire est l'image même du royaume des cieux. L'empereur est le représentant de Dieu sur terre. Il parle non au nom du peuple mais au nom de Dieu. A la fin du règne de Justinien,
    civil et religieux, romain et chrétien sont désormais indissociables, tout comme l’Eglise est l’Empire.

    D’ailleurs pénétrer dans Sainte Sophie dans l’Istanbul actuel, ne laisse aucun doute... laissant sans voix et songeur tout à la fois mais c’est sans équivoque. Sans voix devant cette coquille, cette immense coquille vide. Et songeur, songeuse aussi. Que voulait Justinien... sinon en faire le symbole d’un pouvoir, son ego d’empereur, qu’il avait - grâce à Théodora - conservé de justesse. Quoi d’autre ? Reconstruire sur les ruines de ses prédécesseurs Constantin et Théodose II. Sans doute. Pourtant, quel bonheur que la basilique ait défié les temps, les méprises de l’histoire. Quand même, consacrée à Noël de l’an 537, cela donne le vertige.
    En filant direction “tribunes”, nous découvrons ça et là quelques splendides mosaïques dont les expressions éblouies ou sévères indiquent la période de facture : fin 9ème, 11ème, et même 12ème. Entre narthex et sanctuaire, au tympan du portail d’entrée, une mosaïque (886-912) faite ferveur : l’empereur Léon VI “recevant l’investiture de la sagesse divine”, agenouillé devant le Christ, ou plutôt s’agenouillant car le mouvement est si présent, si actuel qu’il garde la spontanéité d’un acte sans cesse renouvelé, nous enjoignant du reste à faire de même ! Et puis, en quittant le sanctuaire, on se dit qu’on l’a ratée... un regard par-dessus l’épaule et, incroyable, dans les hauteurs, là voilà cette mosaïque majestueuse de la fin du 10ème s. figurant Marie et l’enfant Jésus entourés de Constantin, le fondateur de la “nouvelle Rome chrétienne” en 324, et Justinien en un superbe anachronisme.

    martine keller

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